Guido Mocafico, le photographe qui a dompté l’intelligence artificielle


Guido Mocafico a fait réinterpréter l’image du N° 5 par une intelligence artificielle.

Dans la liste des photographes ayant capturé le flacon du parfum No 5 de Chanel pour en tirer une image publicitaire, Guido Mocafico a suivi, il y a vingt ans, la voie, notamment, de Daniel Jouanneau (en 1987) ou d’Irving Penn (en 1980) – « mes maîtres », dit l’Italien. « Il fallait inventer une nouvelle lecture. Cela s’est fait spontanément sous la lampe de bureau de Francis Vandenbussche [alors directeur de la publicité] : plutôt qu’à la verticale, on a couché le flacon. » L’image de 2003, donc, parfaite, verre translucide, jus d’un jaune d’or, sera peut-être « celle à retenir après ma mort », avance même Guido Mocafico, 61 ans, dont la spécialité est la nature morte.

Aujourd’hui, c’est un tout autre traitement que le professionnel réserve au No 5. Il y a quelques semaines, lors d’un déjeuner avec son collaborateur et voisin de studio à Belleville, le directeur artistique et cofondateur du magazine Exhibition, Edwin Sberro, la conversation roule sur l’intelligence artificielle (IA). « J’avais entendu parler de ChatGPT, tout cela m’effrayait un peu, raconte Guido Mocafico. Mais quand Edwin m’a raconté qu’une IA pouvait générer de la photographie, j’ai répondu : “Il faut essayer !” »

Ainsi, pour une édition limitée d’Exhibition, revue grand format sur papier glacé, Mocafico a fait réinterpréter l’image du N° 5 par une intelligence artificielle. « L’occasion d’être précurseur tout en restant ludique », se réjouit Edwin Sberro. Résultat : dix images (sur « soixante à cent essais »), sur lesquelles le flacon de verre géométrique au bouchon octogonal est central mais ne ressemble plus à un produit policé et n’encapsule plus forcément la fragrance mise au point en 1921 et composée d’ylang ylang, de jasmin, vanille ou santal. Loin de là : il mute en bulles de savon, accueille un camélia trans­génique, paraît exploser sous la pression d’un liquide noir, bouillir d’hémoglobine, enfanter des fleurs psychédéliques semblables à des méduses…

« Cela a demandé un mois et demi de lutte et de nuits blanches », assure le photographe. Pour que le programme d’IA accouche d’une image, il faut lui dicter une consigne : en deux à trois minutes, il va alors puiser dans ses ressources sur Internet et élaborer un résultat. « Il fait en règle générale une synthèse moyenne et donc peu intéressante. Pendant deux-trois semaines, mes assistants ont d’abord essayé de lui faire recopier certaines de mes images, afin de l’amener sur mon territoire graphique. Puis, tout le défi a été qu’il en sorte pour m’étonner. »

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